La gaufre de Mulhouse,

« une bonne publicité pour tout le monde ! »

17/12/2024

DNA

Si la renaissance de la gaufre « de Mulhouse » fait le buzz, qu’en pensent les autres vendeurs de cette gourmandise au marché de Noël ? Eux qui débitent, parfois depuis des décennies, des gaufres non estampillées ? Fair-play, ils assurent que leurs clients ne leur ont pas fait faux bond.

 | 

Article DNA du 17 décembre 2024.
Au Chalet sucré, place de la Concorde, les gaufres viennent de Bruxelles.  Photo Francis Kittler

Elle est sur toutes les lèvres, sur toutes les chaînes, sur tous les réseaux sociaux, elle inspire même les artistes. Ceux qui ne l’ont pas encore goûtée se promettent de le faire bientôt, ceux qui l’ont goûtée se partagent entre les fans, les plus nombreux – qui s’extasient sur son goût, sa richesse, son moelleux – et les déçus qui la jugent pas assez cuite, lourdingue. Le week-end, elle est presque victime de son succès avec une file qui s’allonge, entraînant parfois un temps de cuisson raccourci – d’où le reproche essentiel qui va lui être fait. Ce must du marché de Noël de Mulhouse, c’est bien sûr la gaufre « à la mulhousienne », sortie de l’oubli pour les 800 ans de la ville. Un seul stand vend cette gourmandise historique  : celui de Christophe Griessmann et Hervé Moulin , qui ont revisité la recette de 1811 signée Marguerite Spoerlin et fait fabriquer un moule spécial.

Préparation d’une gaufre au chalet de Marcel Wettel, place de la Réunion, où on assure ne pas souffrir de la concurrence de la nouvelle star du marché.   Photo Francis Kittler
Préparation d’une gaufre au chalet de Marcel Wettel, place de la Réunion, où on assure ne pas souffrir de la concurrence de la nouvelle star du marché.   Photo Francis Kittler
Chez Marcel Wettel, les gaufres sont dans la plus pure tradition foraine.   Photo Francis Kittler
Chez Marcel Wettel, les gaufres sont dans la plus pure tradition foraine.   Photo Francis Kittler
Plusieurs stands vendent aussi des gaufres de Liège, plus consistantes que les Bruxelloises. Photo Francis Kittler
Plusieurs stands vendent aussi des gaufres de Liège, plus consistantes que les Bruxelloises. Photo Francis Kittler

Francine Wunenberger : « Il n’y a pas de lait dans une pâte à gaufres, c’est pas une pâte à crêpes ! »

Très bien, mais n’oublions pas que Mulhouse n’avait pas attendu que la gaufre dite « de Mulhouse » soit redécouverte pour découvrir la gaufre. « Ça fait près de trente-cinq ans qu’on vend des gaufres au marché de Noël ! », rappelle ainsi Francine Wunenberger (stand Sucre-cannelle), qui ne se laisse pas impressionner par la petite nouvelle et tient à remettre les gaufriers à l’endroit : « La gaufre, ça vient de Belgique et c’est une recette foraine », pose-t-elle. Elle, elle tient la recette de sa grand-mère : farine, œufs, sucre, levure (pour la gaufre de Bruxelles mais pas pour celle dite de Liège), et… de l’eau.

« Il n’y a pas de lait dans une pâte à gaufres, c’est pas une pâte à crêpes », assure-t-elle d’un ton qui ne souffre pas la contradiction. Dans le chalet de Marcel Wettel, on opine : pas de lait, pas de beurre non plus… Chez lui, seule la gaufre “de Liège”, plus briochée, contient du lait. Pas davantage de lait Chez Ringo où, au beurre, on préfère même la margarine : « C’est moins gras, nos gaufres ne suintent pas ! »

Ces forains, vendeurs de gaufres depuis des décennies, sont unanimes sur un autre point : la concurrence de la nouvelle star, affriolante dans son motif de roue et d’étoile, n’affecte pas leur activité. « On nous demande parfois la gaufre de Mulhouse, on envoie alors les gens là-bas, mais nous, on vend autant que d’habitude », affirme Marcel, qui prolonge, fair-play : « Je pense que la gaufre de Mulhouse, c’est une bonne publicité pour tout le monde, les gens veulent des gaufres ! Et on a des personnes âgées qui préfèrent les nôtres, bien cuites, plus légères. »

Ici, elles ne sont pas « à la mulhousienne », mais elles n’en sont pas moins gaufres. Photo Francis Kittler
Ici, elles ne sont pas « à la mulhousienne », mais elles n’en sont pas moins gaufres. Photo Francis Kittler

« Les touristes espagnols n’ont pas entendu parler de la gaufre de Mulhouse et nos habitués nous disent que nos gaufres sont excellentes et ils reviennent ! », lance de son côté Francine. Chez tous, la gaufre au sucre est à 3 € (soit le même prix que la star), jusqu’à 5 € avec des garnitures plus riches. Et chez tous, il n’est pas question de céder à la mode venue du passé. La gaufre à la mulhousienne, ils la laissent volontiers à leurs (re)créateurs.

Serge Imbéry : « C’est ma première année dans la gaufre et je ne me suis pas gaufré »

Place de la Concorde, au nouveau marché des commerçants du Cœur de Mulhouse , le Chalet sucré (créé par trois enseignes, Les Belles gueules, Maison Cendre et Le Temps d’une pause) vend des gaufres au sucre glace (3,5 €), au chocolat-noisette (4 €), à la crème de marrons (4,5 €). Lorsqu’on lui demande de dévoiler la recette, Serge Imbéry (Maison Cendre) joue la transparence. « Nos gaufres viennent de Bruxelles, elles arrivent congelées et elles sont très bonnes. » Le fournisseur est celui de l’Auberge du zoo, les gaufres de la place de la Concorde sont donc les mêmes que celles que l’on peut déguster dans les allées du parc zoologique. Et oui, elles se vendent, « même mieux que les crêpes ». « C’est ma première année dans la gaufre et vous pouvez écrire que je ne me suis pas gaufré », sourit ce vendeur de vêtements, qui oriente bien volontiers les chalands en quête de « gaufre de Mulhouse » vers la place de la Réunion.

« On est là pour faire ruisseler et cette gaufre, c’est une super bonne pub pour Mulhouse », s’emballe-t-il. D’ailleurs, pour l’année prochaine, il n’exclut pas de succomber à la nouvelle spécialité : « On fera un moule avec un cœur et la roue du Mulhouse dedans ! »

Hélène Poizat